le chanoine Stanislas Gamber, prêtre, docteur es lettres
Secrétaire perpétuel à partir de 1909, il habitera à l’Académie même, au 2eme étage de la rue Thiers.
Né le 26 janvier 1856, ce sera un vrai Marseillais. Ordonné prêtre en 1880, il sera professeur à l’Ecole de Belsunce de 1880 à 1890. Il deviendra directeur des études (1890-1891) et vicaire à St Philippe (1891-1895).
Il est là quand les rapports entre l’Eglise et l’état atteignent leurs paroxysmes : Aumônier du lycée Thiers, il assiste à la distribution des prix en 1903 ; une belle matinée de juillet, c’est une atmosphère détendue où des centaines d’enfants bien assis, attendent de recevoir leurs beaux livres multicolores, enrubannés, entassés sur l’estrade à coté des personnalités. Lui est là bien poli et sérieux, il fait peu de bruit et ne tient pas à se faire remarquer. Le discours des prix va commencer. C’est en général l’occasion d’entendre de belles tirades littéraires, de belles envolées prêtes à charmer et même à enthousiasmer l’assistance. Le chanoine ne connaît pas celui qui va parler, c’est un nouveau, un jeune fringant et enflammé. Le discours commence…rien de bien particulier, la phrase est bien tournée, il commente la fin de l’année… Mais tout à coup, le ton change, il n’écoute pas trop… là…qu’est-ce qu’il dit ? Les platanes du lycée semblent ne plus bouger, la foule est devenue silencieuse…La phrase est plus puissante et plus solennelle…Le professeur, un laïque pur et dur part dans une diatribe assassine ; l’enseignement laïque va apporter le bonheur aux générations futures étant enfin « débarrassé de cette religion qui fait de l’homme un esclave tremblant et superstitieux. ». Le chanoine hésite, est-ce bien ce qu’il a entendu ? Ces paroles sonnent dans sa tête…il frémit…regarde autour de lui…ceux qui l’entourent doivent partager les propos de l’orateur. Il ne peut accepter de tels mots. Que fait-il ici ? Il ne peut plus rester…il se lève…il marche droit comme un i ; sa tenue noire flotte au vent…Il a plaisir à voir qu’il est suivi par l’abbé Ferrari, l’aumônier du petit lycée…il passe devant l’auteur des scandaleux propos qui n’a pour lui qu’un léger sourire narquois esquissé pendant sa péroraison. Il descend de l’estrade et se perd dans le public où là heureusement quelques mains se tendent pour lui témoigner du respect. La suite…la cérémonie se termina dans le tumulte, le lendemain les journaux s’emparèrent de l’incident… Il officia l’année suivante pour les premières communions puis se retira…la rupture entre l’Eglise et l’Etat était consommée. L’état laïque s’était imposé par la force.
Gamber devint chanoine adjoint puis titulaire de 1904 à 1909, il termina inspecteur de l’enseignement libre (1906-1938). Docteur es-lettres, cette figure de la vie littéraire Marseillaise. a écrit de très nombreux ouvrages de poésie et de livres comme : « l’Hellenisme à Marseille », « l’édition massaliotique de l’Iliade » (1888), « les poètes de la foi au XIXe siècle » (1891), « le discours de Jésus sur la montagne » (1911), « les heures du soir » (1925) couronné par l’Académie Française.
Grand érudit, il défend une foi stricte et n’approuve la poésie que si elle est inspiration religieuse. : « Vers l’éternel : Brèves sont ici– bas nos heures d’allégresse, et nos lèvres à peine ont effleuré le bord du cristal où s’enclôt la frêle goutte d’or, Que nous sentons déjà se calmer notre ivresse. Oh ! qu’elle sonne donc l’heure, moins fugitive, Où ne s’éteindront plus les radieux matins, où nous irons, là-haut, boire à la source vive, Un idéal breuvage en d’éternels festins !…»
En écrivant un article « Au pays de Mistral », il parle avec admiration du grand poète et de son héroïne Mireille : « Blanche et coquette, la maison de [Mistral] se détache tout ensoleillée d’un bouquet de verdure. En entrant dans ce sanctuaire, où m’accompagnait une religieuse émotion, le, premier objet qui frappa mes regards fut un superbe buste de Lamartine …qui a présenté au monde le glorieux chef-d’oeuvre de Mistral. »
Gamber restait très attaché aux traditions et suivait le règlement à la lettre. Il est mort deux jours après une réunion de l’Académie, le 1er janvier 1941. A son enterrement, le directeur de l’époque a laissé percer avec beaucoup de retenue, le conservatisme du chanoine: « Il était peu enclin aux innovations, et, aussi bien comme éducateur de la jeunesse, qu’il aimait tant, que comme écrivain et surtout comme poète, les sentiers connus gardaient ses préférences, même quand il apercevait des fleurs nouvelles le long des routes que le temps ne cessait d’ouvrir sous ses pas. Il se méfait un peu-et n’avait-il pas raison ?- du parfum nocif de ces fleurs. Cet attachement aux principes anciens et aux méthodes qui ont fait leurs preuves, il le manifestait dans ses causeries, toujours vivantes et nourries, comme dans la direction des mouvements qu’il avait formés, que ce soit celui des Noëlistes ou le cours Fénelon. » Emile Ripert a écrit un poème le 14 janvier où il dépeint avec la chaleur de notre chanoine poète :
« O bon chanoine et bon académicien, Votre départ, chacun de nous le faisait sien :
Il semblait qu’avec vous s’en allât quelque chose.
De la vieille maison où poèmes et prose,
Beaux mémoires, livres poudreux, nobles tableaux,
Nécessaires fauteuils, antiques bibelots
( vous voyez il pensait à nous…)
…Nos modestes trésors, cependant enviés
Par bien des amateurs et des Académies,
Il semblait qu’éveillant des âmes endormies
Depuis plus de cent ans dans un rêve amical,
La mort éparpillât d’un soubresaut brutal
Tous les doux souvenirs de la vieille demeure… ».
[extrait de la Généalogie du fauteuil n° 2 par M. François Clarac]